mardi 14 juin 2016

des couleurs, et du noir et blanc (bis)

des couleurs, aujourd'hui, y'en a pas. Je ne vais pas vous montrer ce que je fais, je vais juste vous parler de ce que je pense, de ce que je ressens. En noir et blanc. Et ce que je ressens, aujourd'hui comme il y a 3 mois, comme il y a 7 mois, comme il y a 17 mois, c'est une profonde tristesse. De la colère aussi.

Il y a 3 mois, il y a 7 mois, il y a 17 mois, tout le web et les réseaux sociaux se sont drapés de drapeaux, de slogans, de bougies et d'indignation. Depuis 2 jours, je trouve tout le monde bien silencieux. Relativement parlant, bien sur, l'information est là, les larmes des proches, les témoignages des survivants, les images obscènes de jeunes visages qui passent en un instant de la joie à la terreur la plus abjecte. Les éditions spéciales, les bannières, les filtres colorés sur les photos de profil ? ben non. Pas là. Pourquoi ?

Une explication, ça pourrait être qu'on s'habitue. Qu'on a plus de larmes, plus de compassion, plus de révolte. Je refuse tout simplement de croire ça, ça voudrait dire qu'ils ont gagné, qu'on baisse les bras, et ça c'est juste pas possible.

C'est loin de chez nous, mais c'est du loin qui nous intéresse, c'est pas du loin en Afrique, en Turquie, au Moyen-Orient, en Asie, où on cille à peine quand les infos nous annoncent plein de morts et nous les montrent sans aucun respect pour les victimes, parce qu'une victime de "loin" c'est pas aussi important qu'une victime française, ou au moins blanche. Les États-Unis c'est du "loin mais comme nous".

Une autre explication qui ne me plait pas des masses, mais dont je suspecte qu'elle joue quand même peut-être un peu, c'est que les les victimes fréquentaient une boite gay, et qu'il y a quand même beaucoup de monde qui pense que c'est mal. Et que quoi ? du coup, c'est pas une grosse perte ? c'est bien fait ? le chagrin des hommes et des femmes qui ont perdu un enfant, un ami, un aimé, aurait moins de valeur ? Aujourd'hui, en 2016, il y a 72 pays où l'homosexualité est interdite par la loi, dont 10 où la peine de mort est appliquée aux contrevenants.
Pour moi, c'est un peu comme si les gens naissaient rouges, jaunes ou bleus, ou même parfois oranges, ou verts, et que la loi décrétait que la seule couleur autorisée était le bleu. Et que le seul choix des personnes vertes, ou oranges, c'était de cacher leur couleur, vivre toute leur vie dans le mensonge et le déni de qui ils sont, ou de mourir. Mourir doucement, à petit feu, de souffrance et de frustration, ou mourir publiquement en criminel.

Alors quoi ? Il n'y a pas d'image fédératrice, virale, qui se diffuserait comme une trainée de poudre ? Pourtant des images, il y en a, des rubans, drapeaux américains aux couleurs de l'arc en ciel, ... Mais Facebook ne propose pas automatiquement, comme lors des derniers drames, d'habiller son profil aux couleurs des victimes. Peut-être que c'est compliqué, est-ce que cet attentat visait les américains ou les LGBT ? Les 2 mon capitaine, et aussi tous les européens, asiatiques, africains et océaniens, tous les chrétiens, les juifs, les musulmans qui n’adhèrent pas à leur sectarisme, les athées, les bouddhistes, les taoïstes, les indouistes, les animistes, les charcutiers, les sportifs, les savants, les artistes. Les humains humains.

A la minute où j'écris, nous sommes sept milliards quatre cent vingt neuf millions trois cent soixante deux mille six cent sept humains sur terre. 7 429 362 607. Et eux, ils sont combien ? Ces déments qui veulent détruire tout ce qui n'est pas comme eux ? L'estimation la plus haute que j'ai trouvé, c'est 200 000 combattants pour le soit-disant "état" islamique. Ça représente 0,003% de la population mondiale. Même si on ajoute les divers va-t-en-guerre d'autres obédiences, arriverait-on seulement à 0,1% ? Ça veut dire qu'on est 7 428 889 643 à juste vouloir vivre tranquille, en paix, manger à notre faim avec un toit au dessus de notre tête, aller à l'école, grandir, vieillir, sans peur. Sans peur !


Peut-être que je ne suis pas la seule à me poser des questions sur la futilité des images, des symboles. Il y a 17 mois, j'ai dit "je suis Charlie", et je le pensais vraiment. Il y a 7 mois, j'ai dit "je suis Mélanie", une toute petite personne mais qui existe et qui refuse d'avoir peur. Il y a 3 mois, j'ai dit rien, j'étais triste, je ne savais plus quoi dire. Aujourd'hui je dis quoi ? Je suis 1 humain parmi les 7 milliards d'humains qui veulent juste que ça s’arrête et qui ne savent pas quoi faire pour que ça cesse, la violence et la peur. Mais qui comprend la chance qu'elle a de pouvoir encore parler, le luxe que ça représente pour la plupart de ses frères humains d'avoir un toit au dessus de sa connexion internet et une voix, si petite soit-elle.

Alors peut-être que les images, les symboles, ça ne change pas le monde. Et peut-être que c'est important quand même.




4 commentaires:

  1. Dans ma tête, j'ai déjà écrit tout ce que tu viens d'écrire...
    Surtout, garder la tête haute, conserver son indignation et à son tout petit niveau vivre pleinement, être tolérant sans être lâche, continuer à s'indigner devant ces actes barbares, combattre la peur qu'ils essaient d'installer

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  2. Merci pour ton message Mélanie, je suis aussi attristée du manque de réaction un peu partout, tous ces morts me bouleversent, quels qu'ils soient...

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    1. merci, j'ai encore été choquée hier soir quand avant le match de foot un hommage a été rendu aux couple de policiers assassinés (événement dont je ne minimise pas du tout la portée, c'est aussi un drame) alors que l'UEFA a refusé de rendre hommage aux victimes d'Orlando (des minutes de silence ont été organisées dans les fan zones, mais à l'initiative des maires des villes où elles se trouvent).

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